[...]
J’ai volé un sac à patatesje le porte au bac à lingeje lave la terreje déchire le fond pour l’enfiler par la têteAvant le couvre-feudans l’allée centraleje suis un arbre qui marcheserrée dans ma camisole*Les gardiennes ne me voient paselles ont trop à faireavec les crieuses et les chieusesJe cache le manteau de jardinsous ma paillasseJe m’allonge sur les draps grisavec mes chaussures terreusesLa peine de l’arbre au mitan de ma chair*Je vais dans le jourmes bras sages dans le sac de juteJe colle mon œil ma jouedans le creux de l’arbreDans le noir de son corpsJ’entends des sanglots*Aux cuisinesje taille toujours les légumes en pointesLa grosse ramasse derrière moi la grappille*Je n’ai plus de basle manteau de jardinon me permet de le garderil traîne dans les alléesempêche les griffuressur mes jambes nues*Je glisse dans ma pocheun petit navet mauve et terreuxJe vols aussi un caillou blesséÀ la nuit tombéeje me fais des offrandes cruespour taire la faim et le rêve*Je cherche dans les autresdes yeux de sèveLes visages sont secsaffamésC’est l’arbre qui garde mes eauxSes entrailles sont les miennes.*J’enfonce les deux mainsdans le vide de l’arbreJe fouille l’airje fouille le noirj’avale l’airj’avale le noirje mords ma bouche[...]
Paola PIGANI, La renouée aux oiseaux, 2019,La Boucherie Littéraire, pas de pagination
Commentaires